De la nécessité d'offrir des cours de lecture, d'analyse et de réflexion aux clients. Partie III

Publié le par jenesuispascynique

"Bonjour, vous avez bien la carte XYXY ?"

Sans même prendre la peine de répondre, le client lève les yeux, cherchant le signe qui l'indique. Il le trouve, mais doute toujours :

"Ah mais c'est une caisse XYXY ici ?"

Non sans me demander en mon for intérieur s'il sait lire, je désigne ainsi d'un léger mouvement de tête et d'yeux la pancarte se situant devant la caisse, qu'il ne regarde pas.

"Vous ne prenez pas les espèces ?"

Sourire forcé. Beh non ducon, y'a pas écrit carte XYXY pour rien.

"Non, désolée, c'est une caisse spéciale.

- Oui m'enfin on voit pas bien, ça devrait être indiqué."

Je lève lentement le doigt vers la très grosse banderole bleue "CAISSE XYXY" qu'il venait de voir en commençant sérieusement à douter des capacités de lecture de mon interlocuteur.

"Ah oui là-haut. Mais on pense pas forcément à lever la tête, vous devriez le mettre à hauteur des yeux."

Je désigne à nouveau la pancarte se situant juste devant la caisse et pile à hauteur des yeux.

"Ah oui tiens."

Bah oui.

 

Nous nous sommes donc rendus compte que les clients ne savent pas lire. Ou alors ils ne prennent pas la peine.

Quand ils arrivent en direction des caisses, la première chose qu'ils regardent c'est le remplissage du tapis. Ensuite, la tête de la caissière. Ainsi nous avons développé des stratégies.

Premièrement:

Nous sommes en caisse XYXY, il n'y a pas grand-monde dans le magasin donc personne chez nous. Les clients possédant cette carte magique savent directement où aller et ne sont pas hésitants, c'est ainsi qu'on reconnaît les "fraudeurs" des légitimes.

Un client passe devant nous, il voit la caisse vide, parfois on peut le voir lever les yeux et apercevoir le signe, mais commencer à s'approcher tout de même d'un pas gauche et maladroit, de l'espoir dans les yeux. La meilleure tactique : regarder ailleurs, ne SURTOUT PAS croiser les yeux du client. Ainsi vous le dissuadez "involontairement" de venir. Mais ne vous inquiétez pas, c'est une faveur : vous lui épargnez la déception de découvrir que non, il ne pourra pas s'installer à cette caisse.

 

Deuxièmement :

Cette technique est encore en phase de préparation, nous doutons en fait de recevoir les accords nécessaires.

Comme je l'ai déjà fait remarqué plus haut, les choses premières que regardent ces pauvres âmes égarées sont le tapis et la caissière. Bien sûr on ne peut faire apparaître magiquement des courses sur le tapis. Donc autant travailler sur nous-mêmes. Grâce aux stéréotypes établis, et prouvés par la pratique et l'expérience, nous avons discerné les 2 cibles du regard du client : les yeux ou le visage (en général de la part des femmes), ou les seins (en général de la part des hommes).

Nous nous sommes donc dit : Pourquoi ne pas écrire un gros sur nos seins et notre front : "CAISSE XYXY", au moins nous serions sûres de l'impact sur le client.

Malheureusement comme je l'ai dit plus haut, je doute que la direction nous en donne le droit. Mais c'est bien dommage.

 

Il faut aussi avouer que dans ce genre de situations, la politesse est une notion qui disparaît de la surface de la Terre. Ni bonjour, ni excusez-moi, ni s'il vous plaît, juste "Je peux venir ?/Je peux payer en [insérer n'importe quel AUTRE mode de paiement que la carte XYXY] ?" - Bonjour Monsieur, désolée mais c'est une caisse XYXY alors non vous ne pouvez pas. Merci, au revoir." S'ensuit généralement l'habituel : "Mais j'ai qu'un seul article !" Bah encore moins, tu crois vraiment que je veux me faire une fin de poste dans ton mode de paiement pour un seul article ? Merci mais non merci. Déjà que c'est long de fermer sa caisse avec le tas de procédures, je vais pas me rajouter du travail pour tes beaux yeus.

 

Tenez, parlons-en des fermetures. Voilà c'est la fin de la journée, enfin on va pouvoir rentrer à la maison. On nettoie la caisse, on compte on écrit et tout. Et pendant ce moment-là, les clients, pleins de logique, ne se doutent pas une seconde qu'on est fermée.

Non mais sérieusement, pourquoi est-ce qu'on nettoie ? Pour le plaisir ? Pourquoi on compte nos pièces ? Parce qu'on a que ça à faire ? 

"Vous êtes fermée?

- (Bah oui, ça se voit pas ? Lumière rouge, peu ou pas de clients... non ça ne vous évoque rien ?) Oui, désolée monsieur.

Mais j'ai qu'un seul article !

- Désolée monsieur, je suis fermée."

 

Une fois votre caisse comptée et cette jolie discussion répétée 15 fois, vous quittez la caisse avec soulagement. Bien sûr, avec votre caisson à la main, n'osez pas rêver, il vous faudra encore traverser des épreuves avant de pouvoir rentrer chez vous. Voyez-vous les clients sont aussi des prédateurs. S'ils vous voient marcher dans le magasin, ils n'hésiteront pas à vous demander si vous allez ouvrir. Et allez traverser une masse de clients un samedi à 17h, vous y aurez droit tous les 5 mètres. Mon rêve, serait de leur répondre oui, et de les voir me suivre jusqu'à la salle de pointage/de caisson comme des petits moutons, pour ensuite me voir rentrer et les laisser là sur place, dépités. Bien sûr ça ne se fait pas. Nous sommes polies, nous traitons les clients avec respect et nous nous demandons donc souvent pourquoi on ne peut pas en dire autant de la réciproque.

 

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Publié dans Boulot boulot

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